La douleur c’est comme un labyrinthe
Pour arriver à sortir du labyrinthe, cela nécessite plusieurs compétences et éléments pratiques ainsi que des connaissances théoriques. Quand nous avons la bonne combinaison, on trouve plus facilement la sortie. Face à la douleur, c’est souvent comme dans un labyrinthe : on s’en sort mieux quand on s’associe (personne douloureuse et personne soignante) pour cibler les bonnes données et les bons outils.
Le vécu
Imaginons que je sois seule dans un labyrinthe. Je m’y étais déjà retrouvée il y a longtemps, mais je m’en étais sortie par chance, sans trop comprendre comment j’avais fait.
Ainsi j’ai déjà l’expérience, je suis capable de décrire par exemple la hauteur des murs, les sons ou les odeurs, la fatigue ressentie après plusieurs heures à tourner… Certaines de mes descriptions sont un peu déformées par les souvenirs anciens. Je peux me rappeler de tel enchainement de tourne-à-droite et tourne-à-gauche. Mais, peut-être que dans mon souvenir, les lignes droites étaient plus longues ou l’enchaînement était légèrement différent.
Le problème c’est que je ne sais pas ce que je cherche. Enfin, si, je sais : je veux sortir ! Mais je ne sais pas comment y arriver, quelles étapes suivre ou quelle logique avoir. En fait, ces questions ne m’intéressent pas : la seule chose que je veux c’est sortir. Je n’ai jamais pris le temps de comprendre ou de me poser pour réfléchir, et je ne vais pas commencer maintenant.
Et puis je ne comprends peut-être pas bien pourquoi je suis dans ce labyrinthe. Comment suis-je arrivée là ?
J’ai eu de la chance, ou la bonne intuition, la première fois. Mais là je ne m’en sors pas !
Le mariage de la théorie et du vécu
D’un autre côté, il y a cette personne aveugle mais qui connaît beaucoup de choses sur les labyrinthes. Elle a étudié comment on les fabrique, leurs fonctions, leurs logiques (un peu comme les tactiques aux échecs). Elle s’est déjà entraînée dans d’autres labyrinthes.
Si l’on se retrouvait à deux, coincé-e-s dans ce labyrinthe, nous aurions beaucoup plus de chances d’en sortir rapidement. En tous cas, en combinant nos connaissances et compétences, nous aurions tous les éléments pour faire évoluer la situation :
- mon vécu et mon expérience de la situation,
- mon ressenti et mon intuition (même s’il semble que j’ai un peu oublié comment les écouter),
- mon envie de collaborer,
- mon acceptation de voir les choses différemment, à ne pas vouloir sortir à tout prix, mais plutôt à prendre le temps de comprendre pour être autonome la prochaine fois,
- ses connaissances théoriques,
- ses expérimentations dans d’autres labyrinthes avec d’autres personnes,
- ses compétences pour me motiver, me guider pas à pas vers la sortie et vers l’autonomie,
- ses techniques pour m’aider à affiner mon ressenti,
- ses approches pour m’aider à redevenir acteur-rice et responsable.
Cette personne a beau avoir de belles connaissances théoriques, si je ne lui exprime pas ce que je vois, ce qu’il y a autour, ce que je ressens, bref ce que je vis, elle n’aura pas les éléments pour proposer la meilleure option. Au mieux on mettra plus de temps, au pire on ne sortira pas du labyrinthe.
Le parallèle avec la douleur
Face à la douleur, en soin, il y a de la même façon deux personnes, chacune avec ses connaissances et compétences propres. On pourrait dire qu’il y a deux « experts » :
- celui qui connaît son problème, son vécu personnel unique,
- celui qui a la connaissance théorique des mécanismes et des options thérapeutiques.
C’est ainsi une connaissance partagée à deux, une combinaison de deux personnes qui savent en partie, mais sont ignorantes d’autre part :
- l’une qui sait ce qu’elle vit mais ne sait pas comment interpréter les signes et symptômes et ne sait pas comment réagir pour améliorer la situation,
- l’autre qui sait interpréter et proposer des solutions thérapeutiques mais qui ne vit pas l’expérience en question.
L’objectif de cette combinaison, de cette rencontre thérapeutique, sera de faire les liens – de connecter les points selon Steve Jobs.
Est-ce que cette analogie sur le partenariat en soin, l'alliance entre clinicien et particulier / patient vous interpelle ?
N'hésitez pas à partager votre réflexion en commentaire !
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Pour ma part, je suis en train de vivre les deux positions en même temps : je suis dans le labyrinthe via mes douleurs chroniques et la fibromyalgie (Je n’ai pas eu cette chance de vous connaitre auparavant malheureusement) et je suis hydro-praticien, je soigne les malades chroniques. C’est paradoxal, mais ce qui intéressant dans ma profession, je peux ressentir et guider plus facilement le patient vers un soin précis car je connais précisément la douleur chronique (une douleur souvent profonde) et aussi le rassurer. Une nouvelle douleur est une phase de panique, la phase 2, je l’appelle la phase de digestion, et l’acceptation. Cependant, je ne suis pas encore sorti du labyrinthe et j’ai aussi besoin d’aide pour cela. Un article super intéressant vraiment !
Merci Pierre pour votre commentaire !
C’est intéressant de découvrir votre interprétation de « chronique ». Ce terme fait référence à une notion de durée. Mais c’est vrai que, souvent, l’interprétation commune le transforme soit en qualificatif de gravité ou en caractéristique du ressenti douloureux.
Je vous souhaite de belles découvertes au fil des prochains articles 🙂
Et encore mieux avoir le vécu de la douleur et les connaissances combinées… même si je ne souhaite le premier à personne. Cela rassure beaucoup les gens de savoir que leur soignant a vécu un parcours douloureux chronique et s’en est sorti en améliorant ses connaissances qu’il partage maintenant.
Merci encore pour vos métaphores utiles.
Merci Cécile pour votre partage 🙂
C’est vrai que ça aide d’avoir connu ou de connaître la douleur soi-même en tant que thérapeute. On peut utiliser cette expérience pour être à l’écoute, pour rassurer. Au risque cependant parfois d’oublier que le vécu douloureux est unique et que notre vécu ne peut être calqué sur l’autre.
Et puis heureusement, il ne faut pas obligatoirement avoir vécu tous les malheurs du monde pour comprendre et aider l’autre.
Au plaisir de prochains échanges…
La phrase suivante résume bien le paradoxe dans le lequel le patient douloureux peut s’enfermer : « Peut-on arriver à des changements sans modifier quoi que ce soit dans nos habitudes, nos pensées, nos façons de voir la douleur ? »
Souvent nous entendons cette phrase : « je n’ai rien fait et j’ai déclenché une douleur »…
Je pense que le plus dur au-delà de l’alliance thérapeutique est bien de parvenir à des changements comportementaux, des changements de points de vue, de la créativité témoignant d’une collaboration active et indispensable du patient vis-à-vis de sa problématique… sans attendre l’éternel miracle venant uniquement du thérapeute.
Merci pour ce partage de point de vue