Donner la réponse ?
Dans toute action d’accompagnement et d’aide, le pire serait de donner la réponse toute crue. Cela est ainsi le cas face à une personne douloureuse. Cela serait d’ailleurs tout aussi judicieux face à un apprenant, quel que soit le domaine.
Pourquoi veut-on donner la réponse avant la question ?
La réponse pourrait être par exemple la solution à une problématique, l’explication d’un mécanisme, la présentation d’une stratégie adaptée…
On pense que :
- ça aidera, que ça facilitera le parcours de notre interlocuteur,
- ça fait gagner du temps, plutôt que d’engager un échange avec une amenée progressive vers le questionnement de notre interlocuteur auquel on pourra (enfin) répondre.
Au-delà de notre envie de partager nos connaissances, d'aider, c’est cependant surtout une solution de facilité qui NOUS fait gagner du temps, mais qui n’avance pas plus vite notre interlocuteur.
En effet, comme la réponse fournie n’a pas été attendue, n’a pas le goût de la découverte personnelle, ni celui de l’effort, elle risque fort de ne pas être valorisée à sa juste valeur.
Parfois aussi, comme on expose les arguments et les explications avant même qu’il y ait eu une requête exprimée, on s’expose alors régulièrement à indifférence, incompréhension, voire rejet.
LA réponse existe-t-elle vraiment ?
Une fois la question posée, il y a le risque d’y répondre selon notre interprétation. C’est-à-dire qu'à travers notre compréhension de la question nous allons parfois interpréter la question de notre interlocuteur, et parfois à côté de la plaque !
Ainsi notre réponse spontanée ne viendra peut-être pas satisfaire la demande.
Par ailleurs, même une fois la question reformulée et validée par notre interlocuteur, n'y a-t-il toujours qu’une seule réponse possible ?
La réponse est parfois le sens que notre interlocuteur veut donner à sa problématique. Cela dépend de son cadre de pensée, de sa logique de raisonnement, voire de sa culture ou sa spiritualité.
Et si le questionnement était le début d’un échange et d’une réflexion commune, et non pas la recherche (à tout prix) d’une réponse tranchée de façon définitive ?
Une réponse impactante
Question réfléchie
Vous avez sûrement eu dans votre entourage un enfant de 5-6 ans qui, toutes les 30 secondes, peut avoir une nouvelle question sur tout et sur rien ! Les réponses peuvent, de notre côté, fuser du tac-au-tac. Mais que retiendra-t-il ?
Et toutes les questions attendent-elles forcément une réponse, ou le flot est-il parfois là pour masquer des questionnements cruciaux mais délicats ?
De plus, la réponse intervient peut-être trop tôt pour l’interlocuteur qui n’a pas fait aboutir sa réflexion et son questionnement.
L’étape de formulation de la question est souvent importante. En effet, elle permet d’affiner la requête et souvent de répondre soi-même à certains détails, de façon logique ou parce qu’on a déjà les réponses.
Parfois, savoir pourquoi la question a été posée de cette façon à ce moment-là peut être plus important pour amorcer une avancée que la réponse en elle-même.
Réponse qui a de la valeur
On valorise souvent plus ce que l’on attendait depuis un moment ou ce qui nous a demandé des ressources.
Ainsi il me semble important que notre interlocuteur soit en demande. Par ailleurs, le fait qu’il participe à la réflexion et s’investisse pour savoir, est souvent un bon gage d’assimilation de cette nouvelle information reçue.
Les meilleures conditions seraient par exemple un interlocuteur :
- avec une demande claire,
- conscient du « pourquoi » de sa question : il sait pourquoi il a cette question et comment il va l’utiliser,
- impliqué dans la recherche d’une réponse, voire au mieux qui trouve la réponse par lui-même,
- à l’écoute et disponible lorsque la réponse est transmise/ trouvée,
- qui prend le temps de digérer l’information, d’éventuellement la questionner afin de complètement l’intégrer,
- et qui la met ensuite en pratique.
L’objectif final est que la réponse impacte notre interlocuteur dans ses croyances et ses comportements, c’est-à-dire que l’information soit retenue et fonctionnelle.
Quelques pistes pour avancer
Lorsque l’évolution de la problématique de notre interlocuteur nécessite une prise de conscience et/ou un changement de point de vue, de pensée ou de comportement, c’est souvent là qu’il ne faut pas donner la réponse trop vite ou trop facilement.
Cela risquerait en effet de n’être entendu, et au mieux retenu, que superficiellement, sans impacter durablement les croyances et les comportements. La réponse donnée risque de rester sur le plan théorique. Elle sera entendue mais seulement enregistrée intellectuellement.
Certains thérapeutes, comme Michel Odoul, considèrent même qu’un bon soignant ne donne jamais de réponse, mais que son travail est de guider le patient à trouver sa réponse et le sens qu’il donne à sa problématique de santé.
Souvent la réponse trouvée par le patient aura le plus d’impact global. Elle sera alors intégrée et transposable à d’autres raisonnements et situations.
Alors comment donner des réponses ?
- Guider la réflexion de notre interlocuteur jusqu’à l’expression d’une question claire.
- Reformuler la question pour faire valider notre interprétation par notre interlocuteur.
- Proposer (et non imposer) une réponse et demander à notre interlocuteur de reformuler, voire de commenter.
- Relancer notre interlocuteur pour vérifier le degré d'assimilation de la réponse.
Il reste à admettre que cela prend du temps.
Je vous souhaite de vivre ces moments suspendus, riches en émotions, où votre interlocuteur perspicace fait des liens et trouve sa vérité.
Est-ce que cette réflexion vous interpelle ? Voyez-vous les choses différemment ?
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Merci pour cette belle réflexion.
Si je me place côté patient, je sais en effet qu’une réponse que je trouve moi-même aura beaucoup plus d’impact qu’une réponse qui « appartient » à quelqu’un d’autre.
Quand je me trouve du côté thérapeute ou coach et qu’il m’arrive de me précipiter à donner une réponse, c’est souvent parce que je peine à rester avec un certain sentiment d’impuissance face au patient ou à la souffrance qu’il exprime. ça me donne l’impression d’avoir « fait » quelque chose. ça me demande de travailler sur moi pour accepter de cheminer avec « le temps de l’autre »…
Heureusement, et ça me réjouit beaucoup quand ça arrive, parfois le patient revient en refusant ma réponse et m’apporte la sienne :). Comme quoi, on a aussi le droit à l’erreur et les choses avancent parfois d’une manière qui nous échappe !
Merci Delphine pour ce partage d’expérience si honnête.
Je trouve intéressant cette remarque de se mettre à la place de, et de comprendre dans nos tripes et dans nos fibres ce que ça fait quand on nous impose une vision, une réponse. Cela n’a clairement pas le même goût que lorsque l’on trouve soi-même la réponse 😉
Je crois en effet que la « bonne » position n’est pas de se contraindre ni de culpabiliser en tant que thérapeute, mais bien, comme vous le mentionnez de prendre régulièrement du recul pour analyser nos pratiques. Je pense que nous avons à y gagner en sérénité et que les patients qui nous consultent auront à gagner en qualité de traitement. C’est comme un chemin sur lequel nous évoluons en binôme.
Et parfois, voire souvent si nous laissons la place à ce genre de situation, c’est le patient qui nous fait évoluer dans nos conceptions et nos pratiques 🙂
Pouvoir réaliser un tel objectif avec son patient demande de le connaître. Il est de certains patients qui nécessitent un travail de profondeur où les réponses par des questions sont un trésor pour lui. Et il en est d’autres qui ont besoin d’une bouée de sauvetage, avec certaines réponses ‘raccourcis’, pour au moins sortir la tête de l’eau, et après seulement leur permettre des réponses en questions.
Cette finalité est d’une richesse et d’un effet salvateur. Reste la difficulté de l’utiliser au quotidien.
Excellent article Marie, merci !
Merci Abdel pour ce commentaire qui enrichit la réflexion.
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