La douleur, une occasion de sortir de sa zone de confort
Comme me disait une des premières patientes que j’ai pu traiter avec une approche moins biomédicale et plus globale : « si j’avais pu choisir, j’aurais préféré ne pas avoir de douleurs. Mais finalement cette expérience m’a permis d’apprendre des choses sur moi ». Dans cet esprit, pourrait-on voir la douleur comme un tremplin, une excuse ou une incitation à changer d’habitudes, à faire évoluer nos croyances et nos comportements ? En bref, pourrait-on voir la douleur comme un levier pour sortir de notre zone de confort ?
La zone de confort, qu’est-ce que c’est ?
Partons d’une définition de cette zone de confort d’un point de vue psychologique. On parle d’un état dans lequel une personne se sent à l’aise. Il s’agit d’un positionnement connu qui assure un faible niveau d’anxiété, et qui évite le stress de trop de nouveauté.
Ainsi la zone de confort permet un niveau stable d’émotions, d’activité, de performances. C’est un espace de sécurité.
Mais il s’agit parfois plus de confort lié à des habitudes que d’un état confortable ou adapté. En effet, parfois la situation peut être inconfortable, désagréable, insatisfaisante mais habituelle. Par exemple, on peut souffrir d’une situation qui ne nous convient pas mais qui est là depuis un moment, que l’on connait et à laquelle on est habituée. On reste parfois accroché à cette situation parce que notre inconfort est moindre que celui de se confronter à quelque chose d’inconnu. C’est-à-dire que l’inconfort d’une situation habituelle est moins important que le risque envisagé de sortir de sa zone de confort.
On pourrait aussi définir la zone de confort par opposition à une zone de peur, une plongée dans l’inconnu, ou encore une zone de panique.
De façon constructive, cette zone de confort signifie aussi un espace de confort relatif. Cet équilibre relatif permet ainsi de façon positive d’envisager sereinement des étapes plus inconfortables. Il faut se sentir en sécurité pour se développer, s’épanouir et évoluer.
La zone de confort peut ainsi représenter un tremplin vers un épanouissement. Cette évolution passera souvent par des changements d’habitudes. Ce qui veut donc dire une sortie, voire un élargissement de sa zone de confort.
Ainsi, à chaque excursion hors de notre zone habituelle, nous élargissons nos possibles, nos habitudes, nos zones d’aisance et de sécurité. La zone de confort correspond donc à une notion dynamique en constante évolution.
Pourquoi vouloir sortir de sa zone de confort ?
A la suite de la définition ci-dessus, on comprend bien que la notion de confort n’est pas toujours présente dans cette zone de confort.
Plusieurs raisons pourraient nous pousser à sortir de notre zone de confort :
- l’envie de trouver le vrai confort, l’agréable,
- celle de découvrir autre chose, de sortir de notre routine,
- l’envie d’améliorer notre situation en testant autre chose.
La définition de la folie, c’est de refaire toujours la même chose, et d’attendre des résultats différents.
Albert Einstein
Rappelons quand même que ça n’est pas si simple. En effet parfois on ne veut pas quitter notre zone de confort. On préférerait conserver les commodités actuelles. On aimerait se contenter de notre bien-être relatif. On a trop peur de perdre ou de changer certains acquis, malgré le risque de rester dans une situation connue mais inconfortable, malgré le risque de ne pas évoluer.
Quitter le réconfort du connu pour un progrès
Le fait de s’exposer à l’inconnu et à aller voir au-delà de notre zone de confort entraîne plusieurs conséquences positives :
- la découverte de et l’ouverture d’esprit à autre chose, à de nouvelles visions. En ouvrant notre esprit à d’autres façons de penser, cela permet peut-être de comprendre chez les autres des attitudes ou pensées à l’opposé des nôtres…
- l’agilité d’esprit et d’attitude. A force d’aller voir de l’autre côté, on réduit progressivement notre peur d’aller vers l’inconnu…
- l’augmentation de notre estime personnelle. Avoir osé dépasser nos limites est une preuve d’audace et de prise de liberté. On renforce la confiance en soi…
- le choix en conscience de ce qui est le meilleur pour nous. Au lieu de vivre passivement la situation habituelle, notre attitude proactive à tester autre chose permet de faire un choix conscient de ce qui nous convient au mieux. Ainsi je ne suis pas obligée de changer radicalement une habitude à chaque fois que j’en teste une nouvelle. Parfois je resterai dans cette nouveauté (ex : nouvelle façon de faire, nouvelle croyance, nouvelle manière de penser, nouveau comportement, nouvel environnement, nouveau contexte…). Mais parfois l’essai va venir confirmer l’attrait et le bien-fondé de l’ancienne situation.
- de meilleures performances. En effet, le niveau relatif d’anxiété à aller vers l’inconnu va déclencher une réaction protective de stress momentané, qui va à son tour améliorer les niveaux de concentration, de performance physique, d’adaptabilité, de réactivité !
Vidéo en français sur la "zone de confort : osez en sortir".
Comment sortir de sa zone de confort ?
Pour apprendre à dépasser sa zone de confort, il faut peut-être comprendre les freins qui nous bloquent. Une fois identifiés, certaines stratégies peuvent nous permettre de les dépasser.
Difficultés rencontrées et quelques solutions adaptées
- Face à l’effort requis pour aller vers le
changement
Il est parfois plus facile de modifier certains aspects à petite dose. Même si pour certains le changement brutal peut aussi être la meilleure stratégie. Malgré tout cette notion d’exposition progressive, à petite dose, permet d’évaluer les effets. Une fois testée, et les résultats perçus, il devient facile d’adopter une nouvelle habitude bénéfique.
Par ailleurs, changer de contexte et d’environnement peut aider. Par exemple, lorsqu’on part en vacances, le changement semble plus facile. On se met à arrêter la télé, à manger sainement... C’est là aussi que les idées de changements pour le retour à la vie quotidienne deviennent plus envisageables : « quand je rentre, je veux changer de métier, je vais me mettre au sport… ».
- Face aux freins des habitudes
Il est premièrement nécessaire de comprendre ce qui nous attache à notre zone de confort (ex : habitudes liées à l’éducation, influencées par le regard des autres, cadrées / bordées par des contraintes économiques). Cependant ces habitudes qu’on défend mordicus volent souvent en éclat dans un contexte différent. Par exemple, la minutie à ne pas laisser un grain de poussière sur la table basse du salon disparait souvent à l’arrivée du premier enfant. L’idée serait de lâcher une habitude même sans attendre de la mettre à l’épreuve.
- Face aux peurs
Avoir peur de changer, de sortir de sa zone de confort, est, à vrai dire, une réaction normale. Il existe par exemple plusieurs peurs : la peur de l’inconnu, la peur de la perte, la peur de se tromper, celle d’échouer, ou encore celle de trouver moins bien.
Un besoin de tout contrôler, ou un manque d’estime de soi, peuvent aussi susciter une peur de nos propres réactions.
Dans ce cas, on peut identifier nos peurs pour leur donner moins de poids. Puis l’analyse objective des risques encourus et des solutions possibles permet de modifier l’équilibre danger / sécurité. L’objectif est ainsi de faire peser la balance un peu plus vers le changement et la nouveauté.
- Face à la résistance au changement
Pour commencer on peut se mettre à apprendre, à élargir notre vision du monde (ex : voyager, apprendre une autre langue, se mettre à la cuisine ou à la danse). De ce fait, on ose rêver à autre chose.
Cela peut ainsi constituer une étape intermédiaire avant d’aller vers un trop grand changement. Cette exposition restreinte à la nouveauté permet alors d’explorer au-delà de nos limites sans trop nous confronter à la zone de danger, celle qui déclencherait la panique.
- Face aux conseils malavisés
Sans s’en rendre compte, certaines personnes de notre entourage ou de nos contacts médicaux vont nous influencer à craindre encore plus le moindre changement.
Ainsi donc il faut savoir s’entourer des bonnes personnes, savoir discerner ceux qui nous paniquent et diabolisent nos évolutions, de ceux qui nous poussent à nous épanouir et à trouver nos propres chemins.
Comment dépasser ses limites
Finalement, une fois que l’on sait pourquoi on veut élargir sa zone de confort et qu’on a identifié nos freins, il reste à se mettre en action. Dans ce cas, avoir une vision claire des objectifs que l’on veut atteindre donne une motivation pour avancer malgré la peur.
A nouveau, la notion d'exposition graduelle peut nous guider. En effet, nous avons chacun un niveau optimal de stress qui nous motive positivement, seuil au-delà duquel tout stress supplémentaire aura un effet délétère avec détérioration des compétences physiques, psychiques et émotionnelles. Ce sont ainsi nos limites personnelles qui nous permettront de nous exposer plus ou moins rapidement à aller voir au-delà de notre zone de confort.
Les changements extérieurs commencent toujours par un changement intérieur d'attitude.
Albert Einstein
Quel lien entre douleur et zone de confort ? Pour le
thérapeute :
La réflexion peut être double. D’une part à comprendre que nos accompagnements risquent probablement de confronter nos interlocuteurs à une sortie de leur zone de confort, avec les émotions et réactions potentiellement associées. Ainsi l’analogie entre l’exposition graduelle et la sortie de la zone de confort pourrait être utile.
Et d’autre part, l’investissement et l’empathie indispensable dans ces traitements risquent bien de nous faire sortir de nos propres zones de confort en tant que professionnels de santé. En prendre conscience et le reconnaître est une première étape pour prendre soin de soi. On touche ainsi à notre propre développement personnel.
Quel lien entre douleur et zone de confort ? Pour le
particulier :
La douleur peut restreindre nos champs des possibles.
Et même parfois la douleur nous embarque dans une spirale où tout changement devient agressif et dangereux. Dans ce cas, avoir conscience de ce phénomène et se rendre compte que notre zone de confort s’en trouve limitée peut être un premier pas. Une phase d’évolution positive serait de progressivement se confronter à de la nouveauté afin de retrouver, voire de créer de nouveaux possibles. Cela passe par exemple par des sorties régulières hors de nos zones de confort.
Certains points de cet article vous parlent ou vous touchent ? N'hésitez pas à partager vos réflexions et vos expériences en commentaire.
Vous pouvez aussi vous inscrire pour recevoir les nouveaux articles d'ABC Douleur directement dans votre boîte mail, avec souvent une petite note personnelle associée. 🙂
Pour faire écho à ton échange avec Adrien [note ABC Douleur: sur la douleur psychologique comme lors d’une rupture amoureuse] et le sujet du jour.., dans une rupture amoureuse, on est en plein en sortie de la zone de confort! Parfois quitter son lieu de vie, se reconstruire, les enfants… Ce changement peut être extrêmement angoissant et créer une sensibilisation nerveuse. J’ai pu régulièrement observer des douleurs T4 chez des patientes en pleine séparation. (Pas d’explication sur le T4 mais c’est revenu très régulièrement) Ce sont des patients où il faut travailler tout en douceur pour ne pas irriter plus un système nerveux hyper-réactif. Et il est évident que le management du patient passe par une explication de la notion de sensibilisation. Pour les inciter à prendre soin d’eux et calmer leur être intérieur. Tant que cette étape n’est pas franchie, toute mobilisation vertébrale est vaine. Ce sont en général des patients qui commencent à aller mieux une fois que la séparation se pose et que les nouveaux repères sont en place. Ulli
Merci Ulli pour ton commentaire qui met en avant les liens entre état émotionnel, environnement de vie, et symptômes physiques.
Nous avons chacun, thérapeutes et particuliers, nos propres lunettes d’analyse de la situation, et nos propres grilles d’analyse.
L’article sur l’analogie entre douleur et rupture amoureuse complète ton propos
https://www.abcdouleur.fr/la-douleur-c-est-parfois-comme-se-faire-larguer/
et j’ai prévu un article pour expliquer de façon imagée la sensibilisation du système nerveux (comme un variateur de volume qui parfois serait réglé trop haut).
Enfin ton expérience met en avant cette image du thérapeute qui accompagne la personne douloureuse dans sa compréhension et son chemin d’évolution.
Merci,
Marie