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Etre passionné de douleur

La passion enflamme notre imaginaire. Mais n’a-t-elle pas ses travers ? La passion est-elle toujours positive ? Comment exprimer ce vif intérêt qui nous anime ?

C’est quoi la passion ?

C’est un passionné de voiture !

Souvent la passion est vue positivement : gage d’un intérêt sans faille, d’une connaissance vaste sur le sujet.

Parfois même on la met en avant pour se faire briller dès qu’on a un peu plongé le doigt dans la marmite. Elle est ainsi parfois imposée comme un gage d’expertise.

Cependant, la passion est aussi le tourment subi, souvent associé à une souffrance physique. On en devient alors l’objet, on peut en perdre la raison et le sens critique et voir notre équilibre psychologique mis à mal.

Et être passionné de douleur ?

Je rencontre parfois des personnes qui se disent passionnées par la douleur. Cela se voit dans leurs yeux : avides d’en savoir toujours plus.

Leur comportement se distingue aussi par une excessivité : à vouloir collectionner, emmagasiner toujours plus.

Passion et raison -
Photo by Karen Vardazaryan on Unsplash

Leur énergie débordante voudrait révolutionner le monde. Parfois certains mordus considèrent que tout le monde devrait reconnaître l’objet de leur passion et être aussi emballé qu’eux.

Cette petite flamme est belle à voir, mais fragile et dévoreuse.

Comme toute flamme elle peut s’éteindre, parfois brutalement, soit parce que les émotions sont trop fortes, soit parce qu’une autre passion a pris le pas.

Par ailleurs, ce feu consume de l’intérieur, pompe parfois trop d’énergie et laisse démuni.

Il peut aussi être pénible d’être face à un tel exalté qui parle toujours du même sujet. D’ailleurs souvent, ça n’est pas tant le sujet qui est lassant, mais la façon qu’a la personne enthousiaste de ne pas écouter, de ne pas chercher à comprendre ce qu’en pensent ses interlocuteurs. Comme si la passion justifiait tous les excès et débordements.

D’un point de vue linguistique, il est intéressant de distinguer les différentes constructions sémantiques possibles.

Quand il est considéré comme un participe passé, il se construit avec « par », et avec « de » en tant qu’adjectif.

Ainsi « je suis passionné par la douleur » signifierait plutôt qu’en ce moment la douleur est un sujet qui me passionne. Cela dénote aussi un effet de mode et d’attrait ponctuel, dont je suis l'objet.

Alors que « je suis passionné de douleur » signifierait plutôt que j’ai une profonde passion pour le sujet de la douleur.

Une passion discutable

La passion est-elle toujours positive ? N’a-t-elle pas des travers ? N’induit-elle pas des comportements déviants ?

Égocentrisme

A l’excès, une passion peut être égoïste. Notre façon de combler le manque et l’attrait, mais aussi les comportements face aux autres peuvent viser en priorité notre satisfaction personnelle. Notre besoin devient prioritaire et nous mène à des choix parfois égoïstes.

Fermeture d’esprit

Même si on veut partager notre ardeur, nos comportements peuvent être égocentrés. Dans nos tentatives d’en parler autour de nous, l’échange est souvent unilatéral. A nouveau, nous risquons de penser à notre besoin d’être entendu, avant même de savoir si l’autre a envie ou non de creuser le sujet. Ainsi nous cherchons souvent à exposer nos points de vue et nos connaissances pour convaincre l’autre.

Irresponsabilité

La passion est souvent excessive et irrationnelle. Elle est parfois excusée malgré ses débordements, comme dans un crime passionnel, où la passion pourrait nous absoudre de tout comportement déviant. Toute responsabilité des actes et des conséquences serait ainsi balayée au seul motif de la passion !? Le travers serait de penser que l’affirmation « Je suis là, passionné-e de douleur, donc tout ce que je fais se justifie et est indiscutable ». Cela reviendrait à dire "comme je veux et je suis là pour aider et soigner, tout ce que je fais est valide".

Illégalité

Parfois un passionné par la douleur ira même jusqu’à se sentir victime, parce que le monde n’entend pas. Et il se prendra pour un croisé en quête de vérité, à vouloir établir un équilibre que parfois seul lui considère juste. La fougue doit-elle être un laisser-passer ou une circonstance atténuante ? Mettre en avant la part de passivité de la passion pour se dédouaner de ses responsabilités n’est souvent qu’un leurre (face aux autres, mais aussi face à nous-même).

Lassitude et inconstance

Enfin, une passion dans le sens "d’être passionné par" est par définition épuisable. En effet, les circonstances actuelles font que nous sommes l’objet d’une passion. Tant que nous restons passifs, il est fort probable qu’un autre objet de passion viennent nous submerger et prendre la place.

Une passion raisonnée

Mais comment parler de cet intérêt pour le sujet de la douleur alors ? Comment prendre conscience de l’impact des mots sur nos comportements ? Comment se définir et se positionner ?

Retirer les bons côtés de la passion

Seul un intérêt, une passion dans le cadre d’une vision plus globale peut être altruiste.

À quoi me sert cette connaissance? Cette conception va-t-elle m’aider à mieux accompagner l’autre ? En quoi l’échange et l’ouverture à d’autres points de vue va-t-il me faire grandir ?

Ce n’est pas tant l’énergie et la ferveur de la passion qui inspirent la méfiance, mais bien plutôt le caractère extrême d’une telle flamme. Son énergie sert à accomplir des actes et mettre en œuvre des projets. Par ses répercussions émotionnelles positives, elle fournit le dynamisme et la constance qui permettent de surmonter les obstacles.

Ainsi, seule une passion contrebalancée par une démarche réfléchie nous permet de faire bouger des montagnes. Un axe de réflexion serait de nous demander ce qui nous motive profondément. Quelle est la nature de ce qui nous transporte et nous enflamme ? À identifier ainsi l'origine de nos émotions, on reprend la main, on sort de la passivité et on devient maître de nos actions.

Partage de pistes personnelles

Personnellement si j’étais passionnée, je ne dirais pas par la douleur, mais bien plutôt par le fait de chercher à la soulager. Cette subtilité qui peut sembler évidente, mais il est bon de la rappeler.

Pourquoi vouloir toujours en apprendre plus sur la douleur si on ne met pas en pratique des enseignements et connaissances acquises ? On peut se demander ce que recherche réellement cette personne en quête de plus.

Pour finir je dirais que la passion n’est pas un terme qui me caractérise. Trop entier, trop exclusif à mon goût. Je trouve aussi que c’est un concept qui enferme. Pourquoi ne se limiter qu’à un sujet, pourquoi restreindre son monde à un seul axe ?

Est-ce que cette réflexion vous interpelle ? Voyez-vous les choses différemment ? Diriez-vous que vous êtes passionné-e ? De/par quoi ?

N'hésitez pas à partager votre réflexion en commentaire !

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7 réponses à “Etre passionné de douleur”

  1. Certains points de cet article vous parlent ou vous touchent ?

    N’hésitez pas à partager vos réflexions et vos expériences en commentaire.

  2. Bonjour Marie,

    c’est un article courageux, qui met le doigt là où ça pourrait faire mal.

    N’oublions pas que le principal est de viser à aider celui qui éprouve la douleur. C’est cet être qui est au centre de notre intérêt.

    Quelqu’un a-t-il déjà entendu dire un bénévole des Restos du Cœur s’exclamer « Je suis passionné par la pauvreté » ?

  3. j’apprécie votre approche toujours très inspirante bravo
    j’aimerais comme tous avoir plus de temps pour partager plus.
    Mais que cette vie est douloureuse toujours plus.

  4. Bonjour Marie,

    j’ai beaucoup aimé ton article, je suis d’accord avec tes propos. La passion, dans d’autres langues, peut avoir une connotation négative, d’excès, d’aveuglement. Dans la langue française, ça m’a toujours surpris que l’utilisation de ce mot dans l’imaginaire populaire avait des connotations plutôt positives.

    Tu as bien fait d’exposer ce sujet qui est, peut-être, mal compris par certains.

    Je trouve aussi que cet article tombe a pic, dans un moment où on devrait TOUS ramer dans le même sens, pas pour des intérêts d’ordre personnel, mais pour l’intérêt commun des gens en souffrance et pour faire avancer les choses.

    Keep up the good work

  5. Merci German pour ton retour et ton partage de réflexion.

    Étonnamment* cet article est en cours de maturation depuis plusieurs mois déjà. Son écriture est devenue urgente dernièrement, mais je n’ai réalisé qu’en le postant qu’il venait répondre à la situation du moment 😉

    * en fait je ne pense plus être étonnée par grand’ chose. Ça devait se faire mais je n’en avais pas complètement pris conscience…

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